Revenons aux bases des termes souvent utilisés mais peu maîtrisés. Biais cognitifs, plafond – mur – falaise de verres : nous vous proposons un premier résumés de ces phénomènes théorisés, au centre des problématiques de sexisme ordinaire.
L’objectif de cet article n’est aucunement de pointer du doigt des individus, mais bien de prendre de la hauteur grâce à des travaux de recherche sociologiques que nous essayons au mieux de vulgariser ! Comprendre les rouages est la première étape vers une société plus équitable.
1. Les biais cognitifs
Les biais cognitifs sont un ensemble de croyances sur les caractéristiques typiques des membres d’un groupe social (par exemple, les femmes, les hommes, les comptables, les Européen·nes, les Asiatiques…).
Il s’agit d’un mécanisme naturel de notre cerveau qui nous permet de simplifier notre monde social très complexe et de le rendre plus compréhensible et prévisible. En résumé, nous utilisons inconsciemment des stéréotypes, positifs et/ou négatifs, parce que c’est moins fatiguant mentalement.
“Les biais agissent en quelque sorte comme des automatismes et peuvent être liés à des émotions – peur, colère, anxiété – ou à des habitudes de pensée acquises depuis longtemps. Ils surviennent, notamment, dans des contextes où l’on doit prendre une décision ou porter un jugement rapidement” précise la doctorante en psychologie Cloé Gratton.
https://actualites.uqam.ca/2021/reconnaitre-biais-cognitifs-pour-mieux-contourner/
Les stéréotypes de genre concernent les croyances socialement construites à propos de la féminité et de la masculinité, des compétences et des caractéristiques distinctes dont hommes et femmes disposeraient. Ainsi, les hommes seraient en général considérés comme dotés d’un esprit rationnel et d’un tempérament de leader. Les femmes, à l’inverse, plus émotives et chaleureuses, moins aptes à prendre des décisions stratégiques.
Ces stéréotypes de genre créent non seulement une différence entre hommes et femmes, mais ils suggèrent également l’existence d’un ordre hiérarchique dans l’évaluation de ces différences. Dans le monde universitaire par exemple, les candidates féminines ont intrinsèquement moins de chances que les hommes d’être perçues comme remplissant les critères d’excellence scientifique et de leadership associés au professorat.
Tout le monde est influencé par les stéréotypes de genre. Les biais de genre n’émanent pas d’une volonté de nuire à un groupe particulier mais bien d’un réflexe cognitif. Il est donc essentiel d’en prendre conscience dans ses prises de décisions !
2. The leaky pipeline
Le syndrome du «tuyau percé» désigne la diminution de la proportion des femmes à mesure de l’ascension hiérarchique. Les hommes continuent d’être plus nombreux aux postes de direction et au sein des conseils d’administration. Si les femmes ne sont pas présentes aux postes les plus élevés de l’entreprise, elles ne seront pas en mesure d’exercer l’influence nécessaire pour faire évoluer la culture du lieu de travail, et le cercle vicieux de la domination masculine se poursuit.
Pourtant, il a été prouvé que quand une entreprise est dirigée par une femme, elle aura 7 à 13% plus de chance d’accueillir des femmes cadres supérieures dans l’exploitation, le contrôle de gestion ou dans sa direction générale.
Tant que les femmes seront sous-représentées dans les fonctions décisionnelles, le problème de «tuyau percé» demeurera.
Ce terme est tout d’abord apparu dans le monde scientifique et celui de la recherche, où les femmes disparaissaient peu à peu des postes importants : ce syndrome explique en partie pourquoi il y a moins de femmes à des postes plus élevés : plus de femmes que d’hommes abandonnent le domaine ou ne sont plus promues au fur et à mesure de l’évolution de leur carrière.
3. La falaise de verre
En 2004, deux chercheurs·ses britanniques, Michelle K. Ryan et Alexander Haslam, de l’Université d’Exeter, ont examiné le lien entre la performance des entreprises cotées et la nomination de femmes au conseil d’administration. Ils ont alors constaté une chose étonnante : quand ça va mal (résultats en berne, environnement défavorable, etc.), les femmes ont plus de chances d’être nommées à des postes de pouvoir. Pendant une récession ou dans une situation insoluble, le risque d’échec est élevé. Ces femmes se tiennent au bord d’une falaise : si elles échouent, elles tombent.
Le drame de la falaise de verre est double : premièrement, en mettant les femmes au pouvoir quand la probabilité d’échec est grande, on renforce l’idée selon laquelle elles ne seraient pas faites pour le leadership et le succès. Deuxièmement, ce syndrome pourrait être l’objet de nos biais cognitifs, car il survient souvent avec de bonnes intentions : aux grands problèmes les grands moyens, ici tester de nouveaux profils pour résoudre un problème qui parait insolvable.
4. Le mur et le plafond de verre
La notion de « plafond de verre » renvoie au fait que les femmes peuvent progresser dans la hiérarchie de l’entreprise mais seulement jusqu’à un certain niveau.
Résultat : elles sont en grande partie absentes du sommet de la hiérarchie. À noter que les femmes se heurtent au plafond de verre aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique mais également dans bien d’autres domaines : syndicats, fédérations patronales, ONG, autorités académiques, partis politiques, etc.
Le mur de verre symbolise le phénomène de ségrégation professionnelle, où les femmes cadres se concentrent essentiellement dans les fonctions de soutien opérationnel (ressources humaines, administration). A ces postes, les femmes ont un pouvoir de décision restreint et leur contribution stratégique est limitée, c’est pourquoi elles n’ont guère de possibilités d’ascension au sein de l’entreprise.
En revanche, les hommes cadres sont surreprésentés dans la recherche et le développement, les pertes et profits, et les opérations. Ces domaines sont traditionnellement considérés comme plus «stratégiques» et concentrent généralement les postes décisionnels aux niveaux les plus élevés.
Sources 🔗
https://wearesista.com/biais-genre-investissement/
https://implicit.harvard.edu/implicit/canadafr/takeatest.html
https://cordis.europa.eu/article/id/27296-giving-a-voice-to-the-leaky-pipeline/fr, https://hal.science/hal-02482691/document, https://www.ilo.org/infostories/fr-FR/Stories/Employment/beyond-the-glass-ceiling#beyond
https://www.graduate.umaryland.edu/gsa/gazette/February-2015/The-Leaky-Pipeline-Women-in-Life-Sciences/
https://www.pnas.org/doi/pdf/10.1073/pnas.1403334111
https://www.nottingham.ac.uk/edi/edi-blog/blog-034.aspx
https://www.pnas.org/doi/pdf/10.1073/pnas.1403334111