La Cantine Numérique Nantes
Menu

Accueil Blog Décarbonation de notre économie : le pouvoir de la tech et des entreprises

Partager cet article sur vos réseaux !

French Tech

Décarbonation de notre économie : le pouvoir de la tech et des entreprises

Emmanuelle Desaubliaux

mardi 17 octobre, 2023

8 min

Restitution de la conférence « Ensemble, décarbonons l’économie », avec François Gemenne, co-auteur du GIEC.

📄 Sommaire

  • État des lieux : où en sommes-nous face aux impacts du changement climatique ?
  • Réconcilier l’action climatique, les intérêts personnels et la politique
  • La tech, une solution pour incarner un futur désirable

État des lieux : où en sommes-nous face aux impacts du changement climatique ?

Le changement climatique est irréversible à l’échelle de notre vie.

François Gemenne débute la conférence par un fait qui, bien qu’évident, est encore difficile à intégrer : nous ne verrons pas les températures baisser lors de notre vie. Le changement est irréversible, et on a collectivement tendance à l’oublier.
Preuve en est : on considère souvent les événements climatiques (par exemple : les canicules) comme « exceptionnels », comme des « crises climatiques. » Or, cette façon de voir le changement climatique est trompeuse et donne l’impression qu’un retour en arrière est possible, que c’est temporaire.

Le problème est structurel, les mesures doivent donc elles aussi être structurelles.

Le changement climatique est un problème graduel et non binaire

Certes nous ne pouvons pas faire baisser les températures de notre vivant, mais on peut encore choisir le niveau de hausse qu’on aura au cours de notre vie. Et chaque dixième de degré fera une grosse différence.

François Gemenne explique notre tendance à voir le changement climatique comme un problème binaire, une bataille que l’on va perdre ou gagner, ce qui nous incite à penser que nos actions sont insignifiantes. Alors que bonne nouvelle : toutes les actions contre le changement climatique sont utiles : ce que vous allez entreprendre va avoir un impact, qui va déplacer le périmètre de votre entreprise, qui a fortiori changera les usages !

La dissonance cognitive face au problème du stockage

Les gaz à effet de serre ont une durée de vie très longue. D’ailleurs, l’essentiel du CO2 dans notre atmosphère provient du siècle dernier.

Aujourd’hui, nous subissons les émissions des générations précédentes.

Ce qui veut dire que même en baissant nos émissions, les températures vont continuer à monter, aka la grosse dissonance cognitive que nous allons vivre dans les prochaines années.

François Gemenne utilise la métaphore d’un bain qu’on remplit : tant que le robinet coule, alors le niveau monte, même si on réduit le flux à quelques gouttes. Et si l’on arrête le robinet, le temps que toute l’eau s’évapore sera de toute façon très long.

Le souci, c’est qu’en tant qu’humain·e, nous avons besoin de voir les conséquences concrètes de nos actions. La physique du climat empêche cela, et cela risque malheureusement de freiner l’action climatique.

Dépendance et contexte international difficile

Nous sommes toutes et tous liés·es et dépendants·es. Les décisions prises à Nantes ont un impact sur le climat à Bombay, New York ou encore Pékin sans que ces villes n’aient quelque chose à dire sur nos politiques et inversement. Notre futur climatique dépend de décisions prises par d’autres pays.

L’un des soucis est qu’aujourd’hui on essaie de traiter un problème global, qui dépasse nos frontières, à partir de négociations internationales où chaque gouvernement tente de maximiser son intérêt. Une des voies d’avenir serait de faire voler en éclat ce modèle de négociation international pour créer un modèle global.

Bien que ces négociations entre pays soient fondamentales, les leviers pour baisser les émissions de CO2 sont aussi aux mains des entreprises et de la société civile.

Réconcilier l’action climatique, les intérêts personnels et la politique

Nous sommes fondamentalement guidés·es par nos intérêts

Même si nous avons à cœur de protéger l’environnement, nous restons fondamentalement guidé·es par nos intérêts personnels. Seulement voilà : aujourd’hui, ce qui nous est demandé ne nous donne pas du tout envie : sacrifices et renoncements, l’action climatique est montrée comme une contrainte qui nous tombe dessus, et à laquelle nous n’avons pas envie de nous pencher. On y va à contre-coeur.

La solution : faire en sorte que l’action climatique corresponde à nos intérêts.

Economie et liberté dans une société décarbonée

Comment se déplacer, manger, se loger dans une économie décarbonée ? Une fois la couche superficielle grattée vient la couche essentielle à un changement systémique : comment l’économie va-t-elle s’organiser ? Ce qui appelle les questions de croissance, de décroissance, de post croissance, d’économie circulaire, ou encore d’entreprise regénératrice… Qui peuvent proposer de nouveaux chemins, de nouveaux récits, pour une transition souhaitable et non plus subie.

Il nous faut de nouveaux récits, pour une transition souhaitable et non plus subie.

Une deuxième couche n’a pas été creusée, qui concerne pourtant les principes fondateurs autour de laquelle notre société s’organise : la liberté dans une société décarbonée. Peut-on cadrer une liberté individuelle au profit d’une liberté collective pour une société décarbonée ? (à l’image de l’invention du feu rouge, qui stoppe la liberté individuelle de rouler vite, au profit de la liberté collective de circuler sans crainte, par exemple)

La justice climatique comme projet politique

De la question économique découle donc la question politique : à quoi ressemblerait l’égalité dans une économie décarbonée ? Ce qui pose la question fondamentale de la justice climatique.

Une solution pour François Gemenne serait de placer l’adelphité au centre du monde décarboné : cela impliquerait de définir une communauté politique qui dépasse les frontières de nos générations, de nos cercles sociaux, et de notre temporalité (eût égard à la toute première partie rappelez-vous : les émissions subies aujourd’hui ont été produite au cercle dernier).

Il faut définir une communauté politique qui dépasse les frontières de nos générations, de nos cercles sociaux, et de notre temporalité.

C’est la condition nécessaire pour transformer une contrainte (qui nous conduit à en faire le moins possible) en un projet pour rassembler le plus possible.

Pour passer de la contrainte au projet, il faudra incarner ce projet. Pas de logique incantatoire ou de grand discours, mais autre chose : la technologie peut en constituer une brique, à condition de ne pas opposer politiques publiques et technologies, mais de les faire interdépendre.

La tech, une solution pour incarner un futur désirable

La tech peut nous aider à incarner ce projet. Souvent montrée (à juste titre pour certains usages) comme polluante et non éthique, elle peut pourtant servir d’outil pour décarboner et créer de nouvelles habitudes plus vertueuses. Certaines bonnes pratiques doivent être prises en compte dans ce sens :

  • La tech peut faire évoluer les politiques publiques, et inversement.
  • La tech peut donner à voir concrètement un monde impensé jusqu’alors. Le potentiel de la tech et de l’IA se trouve là : nous projeter et transformer l’action climatique en quelque chose dont on a envie.

Exemple : Aujourd’hui une technologie permettrait de faire en sorte que le bus vienne chercher chacun·e au pas de sa porte et l’emmènerait directement à destination. L’IA créerait un parcours optimal pour aller chercher tout le monde. Dans ces conditions, de nombreuses personnes envisageraient le transport public au lieu de prendre la voiture, ce qui représenterait une belle économie sur nos émmissions de CO2.

  • La tech pourrait nous aider à trouver un autre mode de négociations internationales

La conclusion de ces échanges est pleine d’espoir, mais aussi de responsabilité pour la société civile et nos entreprises : ne sous-estimez pas les innovations que vous faites, chaque action est importante.

🚲 Si on avait dit à l’équipe municipale de La Rochelle en 1976 que leur idée de vélo libre-service ferait le tour du monde, elle ne l’aurait sans doute pas cru*. Et pourtant, aujourd’hui les villes du monde entier proposent ce service qui a fait économiser des tonnes de CO2.

*Le 16 juillet 1976, la ville de La Rochelle met à disposition de ses habitants·es 250 vélos jaunes gratuitement (les Yélos). Des grandes villes Françaises ont copié, Rennes, Lyon… Jusqu’à Paris et les villes du monde entier. Cette action locale a joué un rôle fondamental pour nos mobilités et pour la planète.

Après l’intervention de François Gemenne, nous reviendrons dans un prochain article sur le retour d’expérience pragmatique et transparent de 3 dirigeantes et dirigeants qui se sont lancées dans la décarbonation.
Et enfin, nous vous présenterons les méthodes et financements pour décarboner votre entreprise avec Amélie Poncin, Chargée de coordination du plan climat BPI Réseau Ouest, et Pascale Guiffant, Co-fondatrice et Directrice Générale d’Open Lande.

Qui est François Gemenne ?

François Gemenne est co-auteur du sixième rapport du GIEC et chercheur en sciences politiques, spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement et des migrations.